
Malgré une longévité extraordinaire, Nelson Mandela n’était pas
immortel. L’ancien prisonnier 46664 de Robben Island a réuni le monde entier
lors de ses funérailles. Mais combien parmi les illustres invités sont
effectivement les dignes émules de Madiba ?
Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, le décès de l’ancien militant
anti-apartheid puis président de la République Sud-Africaine laisse un grand
vide dans le PPM, le panorama politique mondial. De la race des militants,
Nelson Mandela a incarné mieux que personne la lutte qui a fait tomber le
régime suprématiste blanc de Pretoria. De la race des dirigeants éclairés, il a
permis à l’Afrique du Sud de sortir des ténèbres, de se trouver une nouvelle
identité après une histoire sombre faite de sombres histoires.
C’est donc tout naturellement que les dirigeants du monde entier se sont
dirigés vers Soweto, pour lui rendre un dernier hommage. On a pu voir des
cohortes de chefs d’état montrer leur trombine et leur bonne conscience en
direct live. Pourtant, comme on dit au pays de sa très gracieuse majesté,
nombreux sont les squelettes qui traînent dans les placards.
En effet, parmi pays occidentaux représentés, les USA, le Royaume-Uni et la
France, notamment, n’ont pas considéré, alors que Madiba était encore
prisonnier politique, que la lutte contre le régime de l’apartheid était une
priorité. Du maintien de Mandela sur les listes de terroristes à l’assassinat à
Paris de la représentante de l’ANC Dulcie September, ces pays occidentaux ont
été plus forcés par leurs opinions publiques et la situation
politico-économique du pays qui n’était pas encore « arc-en-ciel » à
changer leur fusil d’épaule.
Quant aux dirigeants africains présents, combien n’ont jamais joué la carte
de l’ethnisme ou trituré dans tous les sens leur constitution pour se maintenir
au pouvoir ? A l’exact opposé de ce qu’a fait Mandela. La palme du
régional de l’étape revenant à Jacob Zuma, hué par le public représentatif de
cette nouvelle Afrique du Sud, public qui a par contre applaudi De Klerk.
C’est donc bien à un bal mondial des hypocrites auquel nous avons assisté
hier. Le public du FNB Stadium de Soweto ne s’y est pas trompé. Il a fourni les
chants et les danses pour accompagner les dirigeants mondiaux dans ce dernier
hommage à leur libérateur. Il ne manquait plus que les vuvuzelas pour couvrir
les discours qui se voulaient consensuels, alors que, de son vivant, Madiba,
lui, a su réaliser un consensus sans être consensuel au départ.
C’est d’ailleurs à cette occasion que le président français François
Hollande a fait revenir sur le devant de la scène mondiale son prédécesseur
qui, lui, s’y connaissait en matière de stigmatisation des différences. On
n’aurait pas pu trouver invitation plus incongrue. C’est d’ailleurs le mot qui
vient à l’esprit à propos de certains hommages rendus par nos chers politiques
à coups de petites phrases en moins de 140 caractères.
Ceci a d’ailleurs été parfaitement illustré et prophétisé par Mélenchon qui
avait estimé juste après la mort de Nelson Mandela que « Des milliers
de bonnes paroles vont se déverser sur la mémoire de Nelson Mandela par ceux
qui, le reste du temps, n'hésitent pas à pourchasser les enfants
roms » avant d’ajouter que « Dans un pays où des enfants mal
élevés jettent des bananes à un ministre qui n'a pas la bonne couleur, il y a
quelque chose de surprenant à voir cette unanimité se construire ».
Mais peu importe, car si Mandela nous a quittés, il nous laisse une œuvre
politique faite de courage et de raison, d’inclusion plutôt que d’exclusion,
œuvre dans laquelle se reconnaissent tous les anonymes qui ont chanté et dansé
dans le stade pour couvrir les hypocrisies nationales et internationales.
Le mot de la fin à Madiba himself : « En faisant scintiller
notre lumière, nous offrons aux autres la possibilité d'en faire autant
».